03.01.23
ONU New York, Commission du développement social (CSoCD61) -Dans notre déclaration écrite soumise en amont de la Commission de cette année, MMM souligne que la répartition inéquitable du travail non rémunéré de soins familiaux est la cause première de la "pénalité de la maternité". Cette dernière recouvre toutes les discriminations et tous les obstacles auxquels les femmes sont confrontées lorsqu'elles accèdent et participent au marché du travail en tant que mères.
Voici le texte intégral de notre déclaration, Mères et travail décent.
Les statistiques montrent que les femmes sont plus souvent victimes de discriminations dans le monde du travail que les hommes. Ces inégalités sont accrues lorsque les femmes sont des mères. En effet, elles restent la principale responsable des tâches domestiques et des soins non rémunérés. Dès lors, les mères doivent jongler entre vie familiale et travail rémunéré, payant trop souvent le prix pour assumer ces rôles multiples.
Actuellement, quelle est la situation des mères dans le monde du travail?
Quels sont les obstacles spécifiques à la grossesse,  la garde des enfants et au travail domestique ?
Ces défis professionnels, l’impossibilité d’obtenir un salaire correct et la nécessité de concilier vie familiale et vie professionnelle sont particulièrement aigus pour les mères célibataires – une situation de plus en plus fréquente, pour diverses raisons : départ du partenaire en raison d’un conflit ou de la nécessité de trouver un emploi dans une autre région ou un autre pays, veuvage, etc.) Dans le ghetto de Kibera au Kenya – Afrique de l’Est, par exemple, 60% des mères interrogées ont déclaré ne plus avoir de partenaire à la maison.
La pandémie de Covid-19 a aggravé la « pénalité de la maternité » sur le marché du travail, et a jeté de nombreuses personnes hors de ce marché, les plaçant dans une situation de pauvreté. De nombreuses mères ont été contraintes de quitter leur emploi après avoir dû faire face à la fermeture d’écoles et de structures d’accueil pour enfants. Le ralentissement de l’économie mondiale a également entraîné une perte d’emplois où les femmes sont surreprésentées (nettoyage, hôtellerie et restauration, et dans une moindre mesure, industrie manufacturière).
Le Covid-19 a aussi agrandi le fossé entre les économies avancées – qui ont bénéficié de politiques de soutien public généreuses, et où les gens pouvaient être vaccinés – et les pays en développement.
En outre, les récents conflits et les crises économiques et environnementales actuelles ont augmenté le coût de la vie pour les familles et réduit l’accès aux produits de première nécessité, entraînant une augmentation générale des niveaux de pauvreté. L’accès à un second salaire décent au sein du foyer est devenu de plus en plus nécessaire – compte tenu également de la précarité croissante de l’emploi.
Pour réduire les inégalités, en particulier les inégalités entre les sexes, il faut résoudre la question de la répartition inéquitable du travail non rémunéré de prise en charge des membres dépendants de la famille, à commencer par les enfants. Réduire les inégalités, c’est reconnaître le travail non rémunéré de soins aux familles comme un travail à part entière, un travail essentiel au fonctionnement de l’économie et de la société.
L’OIT a reconnu le travail de soins non rémunéré comme un travail qui devrait être mesuré dans le cadre des statistiques du travail. Sa mesure fait partie du programme de développement 2030 de l’ONU, cible 5.4. À ce jour, de nombreux États doivent encore mener les enquêtes nécessaires sur l’emploi du temps et intégrer cet indicateur dans leurs statistiques.
Reconnaître la valeur et la nature essentielle du travail de soins non rémunéré, et le présenter comme une responsabilité collective, favorisera la mise en Å“uvre de politiques de soutien, d’investissements publics appropriés et de mesures de compensation pour ceux qui doivent le faire.
Dans le monde entier, la grande majorité du travail de soins non rémunéré repose sur les épaules des mères. Reconnaître ce travail peut soutenir le droit des mères à faire des choix de vie et à réaliser leurs aspirations personnelles – choisir de s’éloigner du marché du travail pour rester à la maison et s’occuper de leurs enfants, ou travailler à temps plein ou à temps partiel comme elles le souhaitent.
Pour atteindre cet objectif, un partage plus équitable des responsabilités en matière de soins est essentiel, non seulement entre les hommes et les femmes, mais aussi dans la société toute entière :
Un socle de protection sociale indépendant de l’emploi est essentiel pour réduire l’inégalité entre les sexes et la pauvreté, et pour donner aux femmes un niveau minimum de sécurité afin qu’elles puissent organiser leur activité professionnelle en même temps que leur rôle de mère..
La protection sociale, à commencer par la protection de la maternité, doit notamment bénéficier aux femmes tant pendant la grossesse que lorsqu’elles élèvent leurs enfants. Elle peut prendre la forme d’allocations ou de services mis à la disposition des mères.
Pour toutes les mères du monde, l’un des principaux obstacles à l’accès à un travail décent ou à une formation/un enseignement supérieur est le manque de solutions de garde d’enfants de qualité, abordables et pratiques – garde de jour pour les jeunes enfants et garde après l’école pour les enfants plus âgés.
Afin de soutenir l’autonomisation des femmes, il est donc nécessaire de :
La grossesse et la garde des enfants ont des conséquences pour les mères en termes de compétences qu’elles développent, de qualité et de type d’emplois qu’elles peuvent occuper, et d’évolution de carrière.
En effet, dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire, l’âge de la première grossesse entraîne une déscolarisation de la jeune fille qui ne peut poursuivre ses études et acquérir des compétences professionnelles avancées. Selon la Division de la population du DAES de l’ONU, chaque année, plus de 21 millions de jeunes femmes dans le monde tombent enceintes entre 15 et 18 ans, et 777 000 donnent naissance à un enfant avant l’âge de 15 ans, ce qui entraîne une déscolarisation immédiate, alors qu’elles avaient la possibilité d’être encore scolarisées. Cela les confine à des emplois futurs mal payés, souvent informels, et qui ne correspondent pas à leurs aspirations.
D’autre part, certaines mères accepteront des emplois avec moins de responsabilités et des heures de travail réduites afin de répondre aux exigences de la vie familiale et des responsabilités de soins. Ces mères doivent avoir la possibilité de rebondir lorsqu’elles en ont l’occasion. Cela passe par l’accès à la formation professionnelle des adultes, et à des systèmes d’apprentissage tout au long de la vie, qui peuvent être organisés dans des structures spécifiques telles que les universités ou les associations, ou au sein même des entreprises.
L’une des solutions qui permet à une mère de famille de concilier contraintes familiales et vie professionnelle est de devenir entrepreneuse, d’où le phénomène des « mompreneurs ». Créer sa propre entreprise permet aux femmes de contrôler leur temps de travail et leur organisation. Cela est vrai tant dans les pays développés que dans les pays en développement. À l’échelle mondiale, le pays qui compte le plus d’entreprises dirigées par des femmes est l’Ouganda. Dans un pays comme la France, en 2018, 56% des microentreprises ont été créées par des femmes. L’entrepreneuriat féminin contribue donc à l’autonomisation des mères, à l’égalité des sexes et à la création d’emplois.
A Kibera, par exemple, 28% des mères interrogées souhaitent créer leur propre entreprise. Le principal obstacle est le manque de capital initial pour investir dans l’équipement nécessaire. Elles ont également exprimé le besoin d’être accompagnées au départ par un mentor ou une structure de soutien.
Soutenir les mères, c’est soutenir les enfants et les générations futures. C’est une responsabilité fondamentale des Etats. Mais c’est aussi soutenir toute une dynamique de femmes motivées pour travailler et participer au développement économique et social de leur pays.Â
Afin de permettre aux mères d’accéder à des emplois décents répondant à leurs aspirations, de réduire la pénalité de la maternité et la pauvreté maternelle, et plus globalement de progresser en matière d’égalité des sexes, Make Mothers Matter appelle les gouvernements à :
Déclaration de MMM à télécharger (avec la bibliographie)
Cette déclaration a été soutenue par l’Association internationale de présentation, la Fondation Red Dot, le Rozaria Memorial Trust (Zimbabwe), Soroptimist International, Soroptimist International Great Britain and Ireland, Women’s Federation For World Peace International.
La 61ème session de la Commission Sociale des Nations Unies se tiendra du 6 au 15 Février 2023 à l’ONU de New York. Son principal thème est  ‘Créer le plein emploi productif et un travail décent pour tous comme moyen de surmonter les inégalités afin d’accélérer la reprise après la pandémie de COVID-19 et la pleine mise en Å“uvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable’.
All pictures © Marcel Crozet – ILO
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