08.03.20
Journée internationale de la femme - "Celles qui comptent", le rapport d'Oxfam publié au début de l'année, met en lumière le lien entre les inégalités et une question qui est au cœur de notre travail à MMM : le travail de soins non rémunéré. Il est grand temps que ce travail invisible, effectué principalement par des femmes/mères, soit reconnu et valorisé pour ce qu'il est : un travail essentiel.
Ce communiqué a été écrit par Anne-Claire de Liedekerke, Présidente de Make Mothers Matter, à l’occasion de la journée internationale de la Femme 2020.Â
Dès sa publication au début de l’année, MMM s’est réjoui du rapport d’Oxfam, « Celles qui comptent »,1 rapport étayé qui établit un lien concret entre le travail de soins non rémunéré et la pauvreté des femmes.
Il est important de garder à l’esprit deux réalités paradoxales si nous voulons agir sur ce lien malheureux: la nécessité fondamentale du travail de soins non rémunéré et sa valeur économique réelle mais invisible.
Le travail de soins non rémunéré est partout. Le besoin de soins fait partie de notre humanité. Tous, nous avons eu, avons, ou aurons, besoin de soins. Tous, nous sommes nés ayant besoin de soins constants.
Ce sujet est au cÅ“ur de la mission de MMM depuis sa création en 1947, car les mères ont toujours été les principales dispensatrices de soins. Et nous savons que les soins d’une mère sont essentiels au développement physique, cognitif et émotionnel de son enfant.
«Les soins sont au cÅ“ur de l’humanité. Tous les êtres humains sont dépendants des soins, en tant que bénéficiaires et fournisseurs. Les soins sont nécessaires à l’existence et à la reproduction des sociétés et de la main-d’Å“uvre, ainsi qu’au bien-être général de chaque individu. L’existence de citoyens indépendants et autonomes ainsi que de travailleurs productifs repose essentiellement sur la fourniture de soins.»2
De plus, les soins ont de l’importance pour le développement du cerveau de l’enfant : « Les progrès des neurosciences provoquent un changement révolutionnaire dans notre façon de penser le développement de l’enfant, car elles montrent l’impact des expériences positives et négatives – et l’interaction entre ces expériences et la génétique sur le cerveau en développement… La façon dont un enfant est nourri, entouré et soigné à un âge précoce a un impact direct sur la structure et le fonctionnement de son cerveau. Les dernières recherches mettent en avant l’importance d’une éducation positive et confirment que la stimulation, les soins, l’attachement, les liens affectifs et des environnements sûrs pour les enfants, ont une influence positive sur le développement de leur cerveau et peuvent les aider à grandir, à apprendre et à s’épanouir.»3
A l’approche de la journée internationale de la femme 2020, le Secrétaire général des Nations Unies a lancé un message fort sur le « care » : « À l’échelle mondiale, les femmes et les filles effectuent chaque jour quelque 12 milliards d’heures de tâches familiales non rémunérées, soit trois fois plus que les hommes. Dans certains endroits, les femmes passent jusqu’à 14 heures par jour à cuisiner, à nettoyer, à chercher du bois et de l’eau, et à s’occuper des enfants et des personnes âgées. D’après notre modèle économique, ce travail relève du « temps libre ».4
Le travail de soins non rémunéré est un soutien indispensable à l’économie mondiale. Pourtant, il n’est pas reconnu, n’est pas valorisé et génère pauvreté et discrimination pour ceux qui l’effectuent. Les soins familiaux et le travail fait au sein du foyer ne comptent pour rien dans l’économie d’un pays telle que mesurée par le PIB.
En 2008, l’économiste Nancy Folbre soulignait déjà que «tous les produits ne sont pas assortis d’une étiquette de prix. Quelque part en chemin, des bébés sont conçus, nourris, éduqués et projetés dans l’âge adulte dans un processus qui exige beaucoup de temps, d’efforts et d’argent.»5
Le travail de soins non rémunéré a un impact sur les femmes dans le monde professionnel. En effet, les femmes qui ont des enfants sont pénalisées en tant que mères (« motherhood penalty ») : l’écart de rémunération entre les sexes, le « gender pay gap », et l’écart encore plus important de pension entre les sexes, le « gender pension gap», sont intrinsèquement liés à l’écart du travail de soins, le « care gap ».
Un cadre d’actions est proposé pour repenser les priorités, sortir des sentiers battus, aborder et améliorer la situation des mères et de tous les aidants : le cadre des « 4R » : Reconnaître, Réduire, Redistribuer, Représenter.
Une mesure à prendre pour agir sur cette injustice de longue date et construire un monde plus juste serait de « reconnaître légalement le travail de soins non rémunéré familiaux comme une catégorie particulière de travail qui donne des droits (par exemple, l’accès à la sécurité sociale, à l’éducation et à la formation, etc.)».6
Les soins, c’est du travail. Toutes les mères le savent. Comment se fait-il que lorsque vous vous occupez de vos propres enfants, « vous ne travaillez pas » et lorsque vous vous occupez des enfants d’une autre personne moyennant un salaire, « vous travaillez » ? En termes économiques, le travail de soins non rémunéré est un investissement productif qui a une valeur réelle : les enfants seront demain des travailleurs qui paieront des taxes et les pensions de retraite.
Partout dans le monde, les mères ne sont pas reconnues pour le travail non rémunéré indispensable qu’elles accomplissent chaque jour en s’occupant de leurs enfants et en les éduquant, en faisant la cuisine, le ménage, en allant chercher l’eau et le bois, et tellement d’autres choses encore.
La reconnaissance du travail non rémunéré de soins est une cible spécifique des objectifs de développement durable (ODD) adoptés par tous les États membres des Nations-Unies en 2015, un appel à l’action lancé par tous les pays – développés et en développement – dans le cadre d’un partenariat mondial : « Reconnaître et valoriser les soins non rémunérés et le travail domestique par la fourniture de services publics, d’infrastructures et de politiques de protection sociale, et la promotion du partage des responsabilités au sein du ménage et de la famille, selon les besoins nationaux » (ODD 5 – cible 4).7
La fourniture de services publics, d’infrastructures et de politiques de protection sociale est la tâche des gouvernements qui ont la responsabilité ce faisant de réduire le travail de soins non rémunérés effectué par les femmes.
Le rapport d’Oxfam indique que « les femmes soutiennent l’État en fournissant des soins qui devraient être assurés par le secteur public ». Celui-ci ne peut néanmoins pas remplacer les soins d’une mère pour son enfant, qui sont fondamentaux pour son bien-être et son développement. Le rôle du secteur public est d’apporter un soutien extérieur aux familles, en permettant aux deux parents d’exercer des activités génératrices de revenus, en atténuant les effets négatifs de la pauvreté en temps, de la surcharge de travail et du stress sur la mère et l’enfant.
« Les expériences les plus formatrices pour les jeunes enfants proviennent des soins attentionnés reçus des parents, d’autres membres de la famille, des aidants et des services communautaires. Les soins éducatifs se caractérisent par un environnement stable qui favorise la santé et la nutrition des enfants, les protège et leur offre des possibilités d’apprentissage précoce, grâce à des interactions et des relations affectueuses. Les bienfaits de ces soins durent toute la vie, contribuant notamment à l’amélioration de la santé, du bien-être et de la capacité à apprendre et à gagner de l’argent. Les familles ont besoin de soutien pour assurer la prise en charge intégrale des jeunes enfants, notamment de ressources matérielles et financières, de politiques nationales telles que le congé parental payé, et de services publics performants dans les secteurs de la santé, la nutrition, l’éducation et la protection sociale et de l’enfance. »8
La promotion du partage des responsabilités au sein du ménage et de la famille est la responsabilité de tous : les mères, qui doivent faire de la place aux pères; les entreprises par des politiques favorables à la famille qui soutiennent à la fois les hommes et les femmes; la société dans son ensemble qui doit reconnaître que les mères ne devraient pas avoir la seule responsabilité des soins…
Les pères sont des acteurs clés dans la redistribution du travail non rémunéré de soins au sein des familles. Un mouvement s’amplifie dans le monde entier qui fait valoir les avantages pour tous les membres de la famille et pour la communauté en général, de l’implication des pères dans le travail de soins.
La série des rapports de Promundo sur La situation des pères dans le monde vise à changer les normes sociales autour du travail de soin et à faire progresser l’égalité des sexes. Voici ce que dit leur rapport 2019 : « Ce rapport est très ambitieux : nous appelons à rien de moins qu’une égalité totale entre les femmes et les hommes, sur le lieu de travail et à la maison. Le troisième rapport sur la situation des pères dans le monde est fermement ancré dans une analyse féministe des soins et dans la conviction que le travail de soins non rémunéré doit être valorisé autant que le travail rémunéré, et partagé de manière égale entre les hommes et les femmes.»9
Faire entendre la voix des mères aux niveaux décisionnels est notre mission et notre responsabilité. MMM représente les mères depuis plus de 70 ans, plaidant pour la reconnaissance et le soutien des mères en tant qu’actrices de changement pour un monde meilleur.
Les mères sont de véritables agents de changement parce que les enfants dont elles s’occupent sont l’avenir de notre monde, et parce qu’elles ont une vision à long terme pour leurs enfants et pour le monde dans lequel ils grandissent. Les femmes sont des agents de changement, parce que lorsqu’elles sont éduquées, informées et soutenues en tant que mères, elles peuvent apporter leur propre perspective et leur propre compréhension aux niveaux décisionnels sur les questions qui les concernent en tant que femmes et en tant que mères. Le Consortium de la petite enfance pour la paix (Early Childhood Peace Consortium – ECPC), dont MMM est membre du conseil consultatif, a été fondé sur cette même conviction que « les enfants et les familles peuvent être des agents de changement pour la paix».10
Changer le regard que l’on a sur le travail de soins non rémunéré est l’affaire de tous : les gouvernements, les ONG, les organisations internationales, les entreprises privées, les hommes et les pères, et les femmes elles-mêmes.
La reconnaissance de ce travail est de notre responsabilité collective. En cette journée internationale de la femme, nous pouvons tous reconnaître, rendre hommage et peut-être partager le travail de soins accompli au quotidien autour de nous par les femmes dans leur rôle de mères. Ce travail non rémunéré et qui semble anodin est la colonne vertébrale de notre humanité et de nos économies.
13.02.24
ONU New York, CSocD62 - L'intervention de MMM auprès de la Commission du développement social rappelle qu'investir dans les mères à travers la reconnaissance, l'éducation, la protection et un sou
29.07.24
ONU New York - Notre événement parallèle virtuel du HLPF a rassemblé des experts pour mettre en lumière la façon dont les différentes crises mondiales auxquelles nous sommes confrontés (en
02.07.24
ONU New York / FPHN - Inscrivez-vous dès maintenant pour participer en-ligne à notre événement parallèle au Forum politique de haut niveau de cette année.
16.12.24
ONU, Genève - Le groupe de travail sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles a demandé des informations sur les politiques et les programmes de soins dans le monde entier. En plus de souligne
14.12.24
Nous sommes heureux d'annoncer la participation de MMM au projet MAV (Mom Virtual Assistant) financé par l'UE, une initiative innovante conçue pour autonomiser les nouvelles mères en leur fournissant une for
05.12.24
Make Mothers Matter a co-présenté le lancement officiel de Be Family à Paris, un mouvement qui vise à combler le fossé entre vie professionnelle et vie privée des parents qui travaillent. Ce premier évé
05.12.24
Nous avons eu le plaisir de coorganiser, en collaboration avec l’Association Européenne des Parents (EPA), l’événement intitulé “Assurance qualité dans le soutien aux enfants et aux familles en Europ
02.12.24
Répondant à un appel à contribution pour un rapport des Nations Unies, MMM attire l'attention sur les premières années de l'enfance. Elles constituent une période charnière pour agir et favoriser la paix
15.11.24
Make Mothers Matter (MMM) s’est rendu en Côte d’Ivoire à l’occasion de la Journée internationale de la Fille le 14 octobre 2024. Notre représentante auprès de l’UNESCO, Brigitte Marais, a participÃ