Vers une culture du « care »

01.12.19

Rabat, Maroc - Comment impliquer les hommes en tant que pères et dispensateurs de soins équitables et non violents pour le bien-être et la santé des familles, et pour l'égalité des sexes ? Nous pensons que le rôle des pères est important aussi. C'est donc avec plaisir que Make Mothers Matter s'est s'associée à MenCare pour sa réunion mondiale 2019 - 3 jours d'un programme chargé de présentations plénières, d'ateliers, de réseautage et de discussions en tout genre.

MenCare est une campagne mondiale pour la paternité coordonnée par Promundo et Sonke Gender Justice. Sa mission est de promouvoir la participation des hommes en tant que pères et dispensateurs de soins équitables et non violents, afin d’assurer le bien-être de la famille, l’égalité des sexes et une meilleure santé aux mères, aux pères et aux enfants.

Cette réunion annuelle a eu pour objectif de promouvoir les recommandations concrètes soulignées dans le State of the World’s Fathers 2019 report. Le rapport définit en effet un programme international commun de plaidoyer pour atteindre l’égalité dans la prestation de soins. Ce programme, The MenCare Commitment ou Engagement MenCare,  ambitionne d’engager 50 pays à prendre des mesures pour l’objectif national suivant: une participation des hommes à hauteur de 50% du travail non rémunéré de soins d’ici 2030.

MMM and MenCare, un partenariat logique

Anne-Claire de Liedekerke at 019 MenCare Global Meeting

Anne-Claire de Liedekerke lors de la séance d’ouverture https://bit.ly/2OoX1jY à 36:27 min

Lors de la séance d’ouverture, Anne -Claire de Liedekerke, Présidente de MMM, a rappelé que partout dans le monde, ce sont les femmes et surtout les mères, qui font le travail non rémunéré de prendre soin des autres. Ce travail est indispensable au soutien de l’économie mondiale. Pourtant, il reste non comptabilisé et invisible dans les comptes nationaux. On le considère comme un dû et pas du tout comme un travail. Qu’il soit fait par des femmes ou par des hommes, par des mères ou par des pères, le travail familial non rémunéré reste dévalorisé. La présidente de MMM a appelé à la reconnaissance juridique du travail familial non rémunéré comme une catégorie particulière de travail, qui est associée à des droits : en particulier l’accès à la sécurité sociale, l’accès à des études et à la formation, et une représentation dans les systèmes démocratiques.

« L’action de MenCare n’aura pas seulement un impact personnel et familial profond, mais aussi un impact global, à la fois pour l’égalité des sexes et la consolidation de la paix […]La vérité est que dans la plupart des cas, partout dans le monde, les mères ont besoin de pères et les pères ont besoin de mères. C’est pourquoi cette collaboration entre Make Mothers Matter et Promundo est si naturelle et nécessaire… ne serait-ce que pour convaincre les mères parfois de permettre aux pères de participer aux soins. »

Les défis du partage des soins

Aucun pays au monde n’atteint la parité entre les sexes dans la répartition du travail non rémunéré et le domaine des soins. Pour Gary Barker, Président de Promundo, une  » culture de soins  » doit se développer non seulement vis à vis des personnes mais aussi vis à vis de la planète. La responsabilité sociale des entreprises (RSE) devrait également consister à soutenir les familles, à s’adapter à leurs besoins, à accepter la flexibilité et les interruptions de carrière sans pénaliser ceux qui s’en soucient.

Les défis à relever pour progresser vers un partage plus équitable des responsabilités familiales entre les hommes et les femmes sont nombreux et variés. Le congé parental en soi ne suffit pas à changer les mentalités.

Quelques chiffres et témoignages partagés au cours de la rencontre :
– Au Maroc, 2/3 des hommes pensent encore que la place de la femme est à la maison.
– En République tchèque, les hommes bénéficient d’un des congés parentaux les plus généreux, mais les femmes considèrent toujours que le rôle d’un vrai homme est de subvenir aux besoins de sa famille – et non de s’en occuper.
– En Suède, 30 % des congés parentaux sont pris par les pères, mais pour beaucoup d’hommes, le fait d’être un père au foyer peut représenter un défi et même entraîner une dépression.
– Au Liban, comment impliquer les hommes dans leur paternité dans les camps de réfugiés alors que les familles sont en situation précaire et que les hommes se sentent indignes de ne pas pourvoir aux besoins de leurs familles?

« Nous constatons également une tendance à l’externalisation et à la professionnalisation des services éducatifs et de garde à l’enfance, mais l’essence de la relation parent-enfant ne peut être externalisée et demeure la responsabilité des parents », a rappelé Anne-Claire.

Le « care », le féminisme et la décontruction du patriarcat

Valerie Bichelmeier, chef de la délégation MMM auprès de l’ONU, à la table ronde plénière « Déconstruire le patriarcat, le pouvoir et le privilège; enracinons notre travail dans les idéaux féministes « . Voici quelques points à de la présentation:

Sur le Féminisme

  •    Concentrons-nous sur ce qui unit les féministes : la non domination, le respect, l’équité en matière de droits et de chances, ainsi que les droits humains des femmes et l’amélioration du statut des femmes. Le féminisme, c’est avant tout la justice entre les sexes et le fait que les femmes aient de vrais choix de vie et ne soient pas discriminées en tant que femmes et mères.
  •    Le féminisme est en train de créer un changement profond dans la société, il est inéluctable. Partout dans le monde, le lieu de travail a changé, car de plus en plus de femmes occupent un emploi rémunéré, poursuivent une carrière et font leurs propres choix de vie.
  •    L’inconvénient est que beaucoup d’hommes ne comprennent cette (r)évolution sociétale et sont, par conséquent, laissés pour compte. Alors cela entraîne des réactions souvent violentes de leur part à ces changements.
  •    Un autre inconvénient, c’est que le féminisme a surtout profité aux femmes blanches instruites qui externalisent les soins aux femmes moins instruites. Ces personnes sont souvent issues de l’immigration. Elles occupent des emplois précaires et mal rémunérés – et doivent elles-mêmes compter sur le travail non rémunéré de membres de leur famille pour s’occuper de leurs propres enfants.
  •    Les progrès en matière d’égalité entre les sexes sont au point mort. Même dans les pays les plus avancés, les femmes font nettement plus de travail non rémunéré que les hommes, l’écart de rémunération entre les sexes reste élevé et la violence à l’égard des femmes semble même augmenter… C’est pourquoi les femmes en Suisse ont fait grève en juin.

Valerie Bichelmeier à la table Ronde plénière « La destruction du Patriarcat, du Pouvoir et des Privilèges: enracinons notre travail dans les idéaux féministes ». Regardez son intervention https://bit.ly/2XrGHCY à 19:25 min

Résolument féministe, MMM est convaincue que :
– Pour une progression des droits des femmes et de l’égalité des sexes la participation des hommes est nécessaire
– L’ égalité des genres dans la sphère publique ne progressera qu’avec plus d’équité dans la sphère privée
– Le travail de Care, ce travail « de femmes », doit être valorisé et reconnu pour ce qu’il est : un travail essentiel

Sur le Patriarcat

  •    Patriarcat signifie littéralement « la règle du père » – ce qui montre clairement que le patriarcat commence dans les familles, et que la déconstruction doit aussi commencer dans les familles. Il est clair que la paternité est un bon point de départ si nous voulons faire participer les hommes et faire progresser les droits des femmes et l’égalité des sexes.
  •    L’éducation des femmes peut faire la différence : l’éducation donne de l’autonomie aux femmes, leur permet de prendre confiance en elles, d’aller à l’extérieur … et de laisser de la place aux hommes dans le ménage.
  •    En fin de compte, la déconstruction du patriarcat consiste à choisir un modèle de société différent, un modèle où les hommes prendraient leur part du travail domestique et de soins non rémunéré. Tout comme les femmes, ils combineraient leur travail rémunéré et leurs responsabilités familiales. Ce modèle deviendrait la norme, aussi bien pour les hommes que pour les femmes.

Les femmes ont été amenées à imiter les hommes… grâce à quoi elles ont beaucoup gagné sur le lieu de travail. Il est temps maintenant d’adopter un modèle où le monde économique s’adapte aux femmes et aux familles, et non l’inverse.

 

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