15.01.20
UN New York, CSocD58 - Par la déclaration écrite qu'elle a présentée en amont de la prochaine session de la Commission du développement social des Nations Unies, MMM a souligné la vulnérabilité spécifique des mères célibataires face à la pauvreté et au risque d'itinérance.
Les mères célibataires sans abri ont tendance à être considérées comme le problème d’un pays en développement, mais la vérité est que d’innombrables familles avec enfants, notamment, les mères célibataires, connaissent cette dure réalité dans de nombreux pays développés.
Par exemple, au Royaume-Uni, selon les estimations de Shelter Charities rapportées dans un article de la BBC, une famille monoparentale sur 55 est devenue itinérante en 2017-18. Dans 92 % de ces 26 610 cas, le parent sans abri était une mère seule. La même source indique que le sans-abrisme a augmenté de 169% depuis 2010, et que les parents seuls et leurs enfants sont huit fois plus susceptibles de devenir sans-abri que les couples avec enfants – la « grande majorité » étant encore une fois des mères célibataires.
De même, un rapport publié en 2018 par l’Interagency Council On Homelessness des États-Unis indique que les familles itinérantes représentent un tiers de la population sans-abri. Parmi elles, 60% sont des familles de mères célibataires avec enfants, représentant 21% de la population totale des sans-abri – et près de la moitié étaient des Afro-Américaines (49%). Sur les 184 661 sans-abri recensés, 109 719 (soit 59%) étaient des enfants.
Ces chiffres scandaleux sont tout simplement inacceptables.
L’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux et les services sociaux nécessaires, ainsi que le droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, de handicap, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres situations indépendantes de sa volonté ». Non seulement l’absence de chez-soi est une violation évidente des droits de l’homme par nature, mais elle constitue aussi le résultat d’autres violations fondamentales de ces droits, à commencer par le droit à la sécurité.
Selon le rapport phare d’ONU Femmes, 2019 « Les familles dans un Monde en mutation », les familles monoparentales représentent 8% des ménages, et 84,3% sont des familles de mères célibataires.
Avec l’augmentation des taux de divorce ou de séparation, le nombre de familles monoparental croit, surtout dans les pays a revenu élevé. Par Exemple, en Amérique du Nord et en Europe, le pourcentage de femmes divorcées/séparées est passé de 7,4% en 1980 à 13,1% en 2010.An conséquence, dans un pays comme les Etats-Unis, 27% des enfants de moins de 21 ans sont issus d’ une famille monoparentale (dont 80,4% sont des familles de mères célibataires)
La monoparentalité peut avoir de nombreuses causes : veuvage, divorce ou séparation d’un partenaire ou d’un conjoint, fuite de la violence domestique, grossesses non désirées, mais aussi conflits armés, catastrophes naturelles, déplacements et migrations, qui peuvent séparer les familles. Bien qu’un nombre croissant de femmes choisissent d’avoir des enfants seules, en particulier dans les pays développés, elles restent minoritaires. Dans la majorité des cas, les femmes ne deviennent pas mères célibataires par choix.
Selon le rapport d’ONU Femmes, dans le monde, la moitié des mères célibataires vivent dans des ménages étendus afin d’économiser sur le logement et d’obtenir un soutien pour la garde des enfants de la part d’autres membres de cette famille – une forme de sans-logis « cachée » ? L’autre moitié est seule et est particulièrement vulnérable face à la pauvreté et à l’itinérance.
De manière générale, la vulnérabilité spécifique des femmes à la pauvreté est bien reconnue, même si elle n’est pas forcément prise en compte. Selon le rapport de 2013 que Magdalena Sepulveda, alors Rapporteur spécial des Nations Unies sur la pauvreté, a présenté à l’Assemblée générale des Nations Unies, » les responsabilités lourdes et inégales en matière de soins constituent un obstacle majeur à l’égalité des sexes et à l’exercice des droits humains par les femmes et, dans de nombreux cas, condamnent les femmes à la pauvreté ».
Non seulement les femmes gagnent généralement moins que les hommes (en raison de l’écart salarial entre les sexes et de la ségrégation professionnelle), mais la repartition inéquitable du travail domestique et familial non rémunéré limite leur temps et leur capacité à effectuer un travail rémunéré, limitant ainsi davantage leur revenu. Prendre soin des enfants, les nourrir et les éduquer demande du temps, surtout pendant la période sensible de la petite enfance.
Ce problème est accru dans les environnements où l’infrastructure et les services publics sont limités, et encore plus dans le cas des familles monoparentales où le parent seul doit assumer seul la responsabilité des tâches domestiques et des soins non rémunérés.
Il en résulte que les mères célibataires sont parmi les plus à risque de tomber dans la pauvreté. En France, par exemple, 35% des plus de 1,5 million de mères célibataires vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Un revenu limité rend difficile, voire impossible, la recherche d’un logement adéquat, surtout lorsque le logement abordable se fait de plus en plus rare, ce qui est le cas dans de nombreuses villes. Et trop souvent, les allocations de logement ou les allocations familiales que reçoivent parfois les mères célibataires ne sont pas considérées comme un « revenu » lorsqu’elles cherchent à louer un appartement.
Même lorsqu’elles disposent d’un revenu personnel suffisant, les mères célibataires sont victimes de discrimination dans l’accès au logement, car les propriétaires les considèrent souvent comme des locataires à risque. Il en va de même pour les banques lorsque les mères célibataires cherchent à accéder au crédit pour acheter une propriété.
On ne saurait trop insister sur l’effet de l’itinérance sur les enfants. Les enfants sans-abri courent un plus grand risque de problèmes de santé physique et mentale, de retards de développement, de mauvais résultats scolaires, d’abandon scolaire, d’abus, de négligence, de problèmes de comportement, de problèmes socio-émotionnels, etc. – avec des coûts potentiellement énormes pour la société sur le long terme.
Sortir de la rue ou des refuges n’est pas la fin du cauchemar. L’itinérance laisse des cicatrices permanentes chez les mères et les enfants, et mène souvent à un modèle de violence et de luttes. Beaucoup d’adultes sans-abri ont connu l’itinérance lorsqu’ils étaient enfants.
La première réponse évidente consiste à remédier à la pénurie d’options de logement pour les familles pauvres .
Mais la prévention de l’itinérance des mères célibataires consiste surtout à s’attaquer aux obstacles de l’autonomisation économique des femmes – à commencer par la question de la répartition inéquitable du travail non rémunéré et les défis de la combinaison du travail rémunéré et non rémunéré – qui sont particulièrement lourds pour les mères seules.
Les mesures importantes en faveur les mères célibataires sont:
La vulnérabilité spécifique des mères célibataires face à la pauvreté et à l’itinérance nécessite une approche inclusive, reconnaissant à la fois les difficultés de leur situation ET l’importance de leur travail de soins et de leurs responsabilités éducatives. Ce travail essentiel justifie pleinement des allocations familiales généreuses (et si nécessaire des allocations de logement) et des services publics ciblés. Les mères célibataires ont besoin de soutien, non de stigmatisation.
Cette déclaration a été soumise avant la 58ème session de la Commission du développement social (CSocD58), qui se tiendra en février 2020 au siège de l’ONU à New York. Son thème prioritaire est le logement abordable et les systèmes de protection sociale pour tous afin de lutter contre l’exclusion liée au logement.
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