Le financement du développement compte pour les mères

05.07.25

Suite à la quatrième conférence internationale sur le financement du développement (FfD4) qui s'est tenue en Espagne, à Séville, nous examinons les raisons pour lesquelles le financement du développement est essentiel pour les mères du monde entier.

Bien que les questions liées à la maternité ou aux femmes ne soient pas explicitement abordées, les sujets discutés dans le cadre du financement du développement (FdD) ont un impact considérable sur la vie des gens, en particulier sur celle des femmes, et encore plus sur celle des mères.

Ces sujets comprennent notamment la fiscalité, la dette, le commerce et, plus généralement, les politiques macroéconomiques et leur conséquences sur la capacité des gouvernements à mobiliser des ressources nationales pour investir dans la protection sociale et dans les infrastructures et services publics essentiels, et ainsi réaliser les ODDs – les principales raisons pour lesquelles le financement est nécessaire.

L’incapacité des gouvernements à investir dans la protection sociale et les infrastructures et services publics essentiels – notamment l’eau et l’assainissement, l’électricité et l’énergie, les soins de santé, l’éducation, les services sociaux et de soins, les transports, les TIC, etc a un impact multiple:
– Les femmes comblent les lacunes de services publics par leur travail de soins non rémunéré (comme, aller chercher de l’eau, s’occuper d’un parent malade, amener un enfant dans une école éloignée, etc.).
– La privatisation de services tels que la santé et l’éducation qui en découle les rend inaccessibles, en particulier pour les mères et les enfants.
– Elle réduit également les possibilités de travail décent dans les secteurs de la santé publique et de l’éducation, ce qui a un impact disproportionné sur les femmes qui tendent à dominer ces secteurs.

Une fiscalité injuste pour les mères

Au niveau national, les systèmes fiscaux du monde entier ne tiennent souvent pas compte ni des responsabilités familiales et du travail non rémunéré qui en découle, ni du travail informel que les femmes assument de manière disproportionnée, renforçant trop souvent les inégalités existantes entre les hommes et les femmes. Les systèmes fiscaux qui ne tiennent pas compte du genre ont tendance à perpétuer l’invisibilité économique du travail des femmes et à creuser les écarts de revenus et de richesses au fil du temps.

C’est particulièrement le cas dans les pays en développement où la fiscalité indirecte – principalement les taxes sur la consommation (par exemple la TVA) et les taxes commerciales – représente souvent 60 % ou plus des recettes, et où les impôts directs (par exemple l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le patrimoine) sont sous-utilisés, peu progressifs et limités par des assiettes fiscales étroites. Les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ne perçoivent généralement que 10 à 15 % du PIB en recettes fiscales totales, contre environ 34 % dans les pays à revenu élevé.

La fiscalité indirecte, qui prévaut dans les pays en développement, a des effets régressifs, affectant de manière disproportionnée les ménages à faible revenu, où les femmes, en particulier les mères célibataires, sont surreprésentées.

Les organisations féministes du Sud ont donc appelé à plusieurs reprises à la transformation des systèmes fiscaux nationaux afin de mettre en œuvre une imposition progressive des revenus et de la richesse, assortie d’incitations fiscales ou de déductions pour le travail de care (par exemple, les frais de garde d’enfants).

Au niveau mondial, les règles internationales qui régissent la fiscalité ont également été inadéquates et injustes pour les pays en développement. En règle générale, les multinationales profitent des lacunes des réglementations fiscales pour déplacer leurs bénéfices vers des lieux où les impôts sont faibles ou inexistants. En conséquence, les pays en développement perdent des recettes dont ils ont grand besoin en raison de l’évasion fiscale, de la fraude fiscale et des flux financiers illicites, avec, là encore, un impact disproportionné sur les femmes.

Mais les choses peuvent changer. Sous l’impulsion des pays en développement et malgré l’opposition des pays développés, les travaux relatifs à une convention-cadre des Nations Unies sur la coopération fiscale internationale ont été lancés en 2024, et des négociations sont en cours pour réformer le système fiscal international actuel. Il s’agit d’une étape très importante vers un système fiscal international plus juste, plus inclusif et plus efficace.

MMM s’est joint à d’autres organisations féministes pour suivre son évolution et veiller à ce que l’élaboration de ce nouveau traité prenne en compte la question de l’égalité entre les hommes et les femmes.

La crise de la dette exacerbe les inégalités

Aujourd’hui, plus de 3.4 milliards de personnes vivent dans des pays qui consacrent plus d’argent au paiement des intérêts de la dette qu’à la santé ou à l’éducation. Le coût de la dette reste disproportionné dans les pays en développement qui sont confrontés à des taux d’intérêt plus élevés. En conséquence, 61 pays ont alloué plus de 10% de leurs recettes publiques aux paiement des intérêts de la dette en 2024, détournant ainsi des ressources qui auraient pu être consacrées à des dépenses de développement plus que nécessaires.

Les niveaux élevés de dette souveraine se traduisent généralement par des mesures d’austérité, qui consistent à réduire les services publics et la protection sociale pour gérer la dette. Les femmes–en particulier les mères, et encore plus lorsqu’elles sont célibataires–subissent souvent de plein fouet ces mesures d’austérité, qui augmentent leur charge de travail non rémunéré et restreignent leur accès aux services de santé, à l’éducation et à l’aide sociale. Les organisations féministes dénoncent depuis longtemps les programmes d’ajustement structurel et les conditions des prêts des institutions financières internationales telles que le FMI qui imposent l’austérité, car ils portent atteinte à l’égalité entre les hommes et les femmes.

Les effets de la crise de la dette sont encore aggravés par une diminution générale de l’aide publique au développement (APD). Non seulement les pays développés n’ont pas respecté leur engagement de consacrer 0,7 % de leur PIB à l’APD, mais l’APD a diminué de 9 % en 2024 et l’OCDE estime qu’elle diminuera encore de 9 à 15 % en 2025.

Les accords commerciaux ne sont pas neutres du point de vue du genre

Les politiques commerciales et les accords commerciaux mondiaux ont également un impact sur les opportunités et les vulnérabilités économiques des femmes. Si le commerce international peut créer des emplois pour les femmes, en particulier dans les secteurs orientés vers l’exportation comme le textile et l’agriculture, ces emplois sont souvent caractérisés par des salaires bas, des conditions de travail médiocres et des droits limités. La libéralisation du commerce peut accroître la compétitivité, mais elle peut aussi favoriser l’informalisation du travail, affectant de manière disproportionnée les femmes qui ne bénéficient pas de protections juridiques ni sociales. En outre, les politiques commerciales incluent rarement des évaluations de l’impact sur le genre, ce qui signifie que leurs conséquences involontaires sur la sécurité économique des femmes sont largement ignorées.

Pour que le commerce soit réellement inclusif, les voix des femmes doivent faire partie des processus d’élaboration des politiques, et les cadres commerciaux doivent intégrer les considérations de genre, y compris les aspects liés aux soins, dès le début.

 

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