18.06.22
ONU Genève - A l’occasion d’une consultation sur le Racisme et le droit à la santé, MMM dénonce le racisme systémique contre les mères dans les pays développés, à travers deux indicateurs : la mortalité des femmes à l’accouchement et les violences obstétricales.
Tlaleng Mofokeng, Rapporteur Spécial de l’ONU sur le Droit de chacun de jouir du plus haut niveau atteignable de santé physique et mentale, a lancé en mai 2022 une consultation sur la question : « Racisme et Droit à la santé », dont les résultats serviront à informer le rapport qu’elle présentera à l’Assemblé Générale de l’ONU en octobre prochain. Cet article résume les grandes lignes de notre réponse, qui se concentre sur les effets du racisme autour de la naissance.
D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Afrique sub-saharienne et l’Asie du Sud totalisent environ 80% des décès chez la mère et l’enfant à l’échelle mondiale, reflétant les inégalités dans l’accès aux services de santé et mettant en lumière l’écart entre pays riches et pays en voie de développement. Ainsi dans les pays développés, le taux de mortalité des mères à la naissance est en moyenne nettement plus bas (1 femme sur 6500 contre 1 femme sur 37 dans l’Afrique sub-saharienne)1.
Or, dans nombre de pays développés (France, Belgique, Canada, USA…), on s’aperçoit que le taux de mortalité des mères à la naissances cache des disparités. Il s’avère que les femmes issues des minorités liées à l’immigration ou venant de populations indigènes ont un taux de mortalité plus élevé. Ainsi aux USA, le taux de mortalité à la maternité des mères d’origine afro-américaine est 3 fois plus élevé que les mères de race blanche. Dans la ville de NY, c’est même 8 fois plus. En France, une étude menée entre 2013 et 2015 montre qu’une mère née en Afrique subsaharienne et vivant aujourd’hui dans l’hexagone, a trois fois plus de risques de mourir des suites de la grossesse ou de l’accouchement qu’une femme née en France.
Au-delà de la mortalité à l’accouchement, les phénomènes que l’on regroupe sous le terme de violences obstétricales sont révélatrices elles-aussi d’une forme de racisme.
La prise de conscience des violences obstétricales est relativement récente (2013 en Belgique pour l’Europe, le Venezuela étant initiateur de cette prise de conscience dès 2000) et sa reconnaissance par la sphère Onusienne l’est encore plus puisqu’elle remonte à une déclaration de l’Assemblée Générale de juillet 2019.
Les communautés indigènes, les femmes issues de l’immigration sont plus à risque d’endurer ces violences obstétricales. Ainsi au Canada, une étude a démontré que les violences obstétricales étaient amplifiées chez les femmes d’origine africaine : ne pas avoir accès à des méthodes d’accouchement alternatives, être isolées et ignorées par le personnel médical, ne pas être informées correctement de leurs droits et des procédures médicales, voir leur accompagnateur ou conjoint être traité de manière irrespectueuse par le personnel médical et endurer des propos racistes fondés sur des stéréotypes sur un groupe ethnique.
Globalement les populations touchées par ces discriminations autour de l’accouchement, sont les mères issues de l’immigration, qu’elle soit récente ou non, d’ethnies minoritaires indigènes, des réfugiées ou plus généralement des mères de conditions de vie modeste ou non lettrées.
Pourquoi ces mères sont-elles plus à risque ?
Ces femmes maitrisent souvent mal la langue du pays entrainant ainsi des difficultés pour communiquer avec l’équipe soignante. Leurs conditions de santé peuvent être dégradées bien avant le début de leur grossesse suite à une mauvaise alimentation ou à un mauvais suivi médical sur d’autres maladies (hypertension, diabète, maladies cardiovasculaires, obésité…). Elles manquent également souvent d’informations sur leurs droits, les procédures médicales.
Mais les systèmes de santé sont surtout clairement mis en cause.
Dans les quartiers où résident ces communautés, les infrastructures sont de qualités dégradées avec des équipements souvent obsolètes, un service d’urgences néonatales inexistant, Cette situation peut être liée à un choix d’investissements délibéré de la ville ou à des services publics aux moyens limités et bien sûr, à impossibilité financière d’accéder aux services de soins privés (clinique…).
Par ailleurs, l’accès aux infrastructures pose un véritable problème, qu’il soit lié à l’absence de moyen de transport dans le ménage concerné, ou à l’éloignement du lieu d’habitation par rapport à la structure de soins. Sont particulièrement concernées les populations indigènes vivant dans des zones reculées.
Les équipes soignantes sont, elles aussi, directement mises en cause.
Elles souffrent de l’absence de formation dans leur cursus contre les stéréotypes d’origine raciaux sur la grossesse et l’accouchement des femmes. Ainsi on note la persistance de stéréotypes entrainant de nombreuses paroles déplacées, et des décisions d’actes médicaux faussées.
Le personnel soignant devrait être formé à la diversité culturelle dans les pratiques d’accouchement : connaissances des traditions de chaque ethnie, pour comprendre leurs demandes ou leur refus de tel ou tel acte médical. Et fréquemment, on rencontre des difficultés de communication, un niveau moindre d’écoute, moins de respect de la part de l’équipe soignante pour une mère issue de l’immigration ou d’ethnie minoritaire.
Ce constat n’est bien sûr pas à généraliser, nombre de soignants à travers le monde faisant preuve d’un accompagnement remarquable auprès des mères qui accouchent.
De plus en plus conscient du racisme régnant dans les maternités, les politiques, les gouvernements, les soignants, ont déjà commencé à réagir. Prise de conscience, prise de paroles, programmes d’investissements, nouveaux modules de formations, des choses se mettent en place. Cet effort est à suivre de près et à poursuivre dans les années à venir pour que toutes les mères puissent avoir droit à un accouchement digne et en toute sécurité pour leur santé et celle de leurs enfants.
Lire la réponse complète de MMM
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